Bon ça fait lgtps y a pas eu d'article. Du coup en voilà un. C'est l'histoire d'une soirée un peu marrante, un peu moche. Si ça vous saoule au premier paragraphe laissez tomber, le reste est pareil.
Je travaillais depuis à peine quèques mois dans un labo de recherche en sciences cognitives. Nous étions alors plusieurs jeunes à charbonnailler des données dans l’heureux institut. L’une d’entre nous, qui s’apprêtait à passer son premier quart de siècle en festivités, nous convia à l’événement avec la consigne amusante de nous vêtir ainsi que les gens du voyages. Narquois, il m’amusait de nous imaginer tout d’Adidas vêtu, chaîne, chevalière et contrefaçon Vuitton en ornements ; c’était méconnaître les romantiques illusions que mes camarades entretenaient sur la profession. Des gitans, certes, mais du siècle passé : avec la chemise, le chapeau, le veston, les doigts en moins comme Django. Reinhardt, pas Tarantino, imbécile. Un doute naissait, discrètement, comme entendu ; mais je m’inclinais. Les gitans des films de Tony Gatlif, soit, si cela vous fait plaisir.
À Emmaüs, pour peu d’argent, nous trouvâmes nos vêtements.
Qu’il était plaisant de nous préparer, d’échanger habits, sourires et plaisanteries dans ce temple des petites gens, dans la bienfaisance poussiéreuse de cette vieille charité chrétienne qui niche encore dans les recoins de nos villes !
Le jour vint, nous montâmes en voiture et descendîmes le Rhône, vers ce pays dont je ne connaissais alors le nom que comme un mythe et le refrain d'une chanson épuisée : le Vercors. Et Die, à ses pieds abruptes. La route était sinueuse, ensoleillée, belle. Je n’oublierai jamais cet hiver tombant en poudre dorée, comme un sommeil, sur les arbres du pays Viennois. Après nous être acquittés des courses et préparatifs dont nous avions l'attribution, après quelques activités sainement dangereuses – une sérénade de guitare à flanc de falaise, où mes amis suspendus se gardaient les uns les autres du vide, qui pourtant nous baignait tous de la chaleur douce du dernier souffle de la saison – nous nous rendîmes enfin à la ferme familiale, où le foyer de la fête devait être entretenu. La foule emplissait déjà la cour, et les rires et les cris crépitaient dans les lueurs chaudes et vives des lumignons. Des enfants parmi elle, avec qui jouer à danser, à mentir, à se cacher ; l’harmonie des Âges vibrait à l’orée de la nuit et j’écoutais ses notes, que je jouais une par une. Le temps de déposer nos sacs, d’organiser notre couchage et de nous déguiser selon la règle, le soleil avait quitté notre monde. Mais nous étions joyeux ! Comme nous étions joyeux ! Nous commençâmes à boire.
De charmantes personnes : la nouvelle twenty-five-agénaire était adorable sous ses frusques et ses perles, et mon camarade de bureau souriait à tout va, partageant sa bienveillance de cette écoute sincère, dont les uns et les autres, reconnaissants sans le reconnaître, s'emplissaient en douce sourdine. Nous discutions mondanités et logement. La courtoisie sans le fard des cours, simplement humaine, modulait nos voix et nos idées de mille bonnes intentions. Je découvrais avec enthousiasme la Clairette de Die, dont le père de la maisonnée faisait production, et décidais de lui consacrer mes honneurs et louanges. Nous discutions de plus en plus rapidement et je crois, nous réfléchissions de moins en moins longtemps. Mais que dire des autres ? Chacun nous glissions une pente, les yeux plissés par un sourire de plus en plus béat, et mon toboggan filait dans une direction que je ne voyais cependant pas tout à fait converger avec celles de mes camarades. Mais tant pis, ainsi va la fête !
« Mec la clairette c’est le feu j’fais que boire ça.
- ah ouais tu kiffes ? Moi j’suis au rhum arrangé de copain là-bas.
- Ah putain du rhum ? Azy fais test je kiffe trop le rhum le putain de rhum, ça me rend fou à chaque fois c’est qui ton pote ? Hey c’est qui ton pote ?
- C’est le type en fait c’est pas à lui j’crois c’est à sa pote HÉ MATHILDE attends, HEY, elle m’a pas entendu
- Tkt j’y vais mdr putain du rhum. »
J’commençais à être bien éclaté mais depuis le temps que j’avais pas pillave j’connaissais plus le gradient de chauffe à rabat. C’était cool tho, j’disais de la merde à tlm en essayant de négocier des bijoux en toc :
« En vrai mes chaines c’est de l’or toi c’est de quoi ?
- ouais c’est de l’or auss…
- mdr ça c’est de l’or ? Regarde mes diams, vasy je te fais un deal : tu me files ton truc d’or et je vais te chercher à boire »
La rumeur de la fête, depuis plusieurs heures, allait croissante. « Putain elle a dit quoi exactement cette tchoin ? j’vais démonter son boule en vérité mdr putain koman j’l’ai niqué l’autre avec son bracelet mes couilles ». J’errais de groupe en groupe, grappillant à droite à gauche des grappes de trucs brillants pour m’en parer. J’m’en emparais sans accord, même, c’était plus marrant. Prendre, donner, négocier. Les clopes du mec là contre un verre du vin d’untel. Raconter des histoires de drogue avec des jeunes, écouter la vie des vieux : le fun à son apogée. « Mec tu comprends pas que si tu veux faire de la science fondamentale tu peux pas être CA-TÉ-GO-RIK dans ce que tu dis comme tu es là, quand tu parle. Le but c’est de convaincre ouais mais le principe c’est que y a pas de vérité tu saisis ?
- Ce que je te dis c’est après des années de métier : au début je faisais ce qu’on me disais je suivais la méthode mais ça m’a jamais satisfait. Faut que tu comprennes que j’ai vu à certains moment de ma pratique, quand je soignais des animaux, que ce qu’on m’avait toujours dit de faire ben des fois c’était pas possible, des fois ça collait pas, et moi ça me mettais mal à l’aise mais je savais pas pourquoi. C’est vraiment après que j’ai commencé à m’intéresser aux liens shamaniques entre les humains et les animaux que j’ai réappris le métier. Tu vois ? J’ai appris à créer du lien avec les bêtes que je soigne et franchement j’arrive à avoir des résultats que j’avais pas avant. En fait j’ai développé mon sixième sens, y a un sixième sens dans chacun de nous...
- Ouais j’vois le truc du sixième sens tu m’en as parlé déjà, mais « sixième sens » ça me pose problème parce que tu parles pas vraiment d’un sens. Aussi bien tu pourrais utiliser un concept plus reconnu par la communauté scientifique ou j’sais pas, j’chicanne sur les mots mais le truc c’est que, si tu veux que ton savoir soit reconnu faut rattacher ce que tu dis à ce que les autres disent quoi. C’est ça le deal de la recherche, d’un côté tu perds une partie de ton intuition parce que tu la contrains avec la méthode et la théorie des autres, mais le bénéfice immédiat c’est que tu peux travailler avec plus de cerveau tu vois ? Parce que tes collègues ils comprennent ce que tu fais, ils peuvent le prendre à leur compte et travailler dessus...
- Écoute, tu verras quand t’auras 43 ans comme moi et que t’auras bien tout fait ce qu’on t’a dit, t’auras peut-être une crise et t’auras peut-être envie de revoir ta vie. Ce que je sais c’est que comme je travaille maintenant c’est beaucoup plus efficace qu’avant et aussi je me sens beaucoup mieux, beaucoup plus libre. Ptètre que c’est que mon délire mais tu verras, quand t’auras 43 ans tu repenseras peut-être à cette conversation. »
Il m’a fatigué putain vasy jvais dvans lson. « Woooooo mec stylé ta chaine, c’est de l’or ? » c koi le son là grosse dub ou koi putain pourquoi ils ont coupé avec c’est quoi cette musique déjà merde j’ai envie de chier. Vasy jvais dans le champs jvais chier en les regardant. Depuis le talus je vois la ferme illuminée par les guirlandes, les braseros, les lumières de la salle avec la sono. Des gens parlent fort sur le champarking, dans l’obscurité. Obscur le sol entre la fête et moi, parsemé des lueurs que les brins d’herbe reflètent. Obscur le ciel, mais d’où viennent les nuages ? Du vent ? Du vin ? Je torche ma chiasse méticuleusement. Pour pas que le tas de merde empilée me touche le cul, j’ai chié en deux fois, à un mètre d’intervalle.
Les iraniennes du taffe se sont cassées avec l’autre meuf qui buvait pas, j’connais plus sonneper à part le collèk mais il est parti où ? Ptain ptètre j’ai été choquant quand j’ai dis que j’voulais baiser ma boss, elle a dit « you do realise that she’s married and she has a child, right ? ». Mais keskizont à être sérieux kom ça sérieux j’ai bu jdis de la merde c normal koi. Pourtant c’est vrai elle me fascine : belle, élégante, intelligente, puissante, italienne. J’ai envie de la baiser comme un petit garçon. Chelou. Waaaaaaaah trobien ils font gâteau d’anniversaire. J’taxe une clope, jbouffe un quart de taz marronâtre depuis l’temps qu’il traîne dans la dmt. Un type s’assoit à côté jui dis sur le ton le plus fatigué de la planète « mec tu crois en Dieu ? »
- Non, enfin ça dépend ce que t’entends par Dieu, par exemple j’crois que tout est déterminé dans l’univers genre mathématiquement : y a une causalité physique qui permet de prédire tous les événements, tout ce qui se passe dans l’univers, c’est juste qu’on arrive pas à la comprendre, du coup pour moi Dieu c’est un peu ça tu vois, ‘fin on peut dire ça mais pas forcément non plus, blablablablablabal... »
Il est trop content d’parler. Jroule.
« blabalbalbal. Et toi ?
- heu mettons y a au moins 3 façon d’croire en Dieu j’dirais. Y a comme t’as dit avec les maths et tout, y a aussi Pascal qui dit un truc du genre « Mettez-vous à genoux et vous croirez », ça ça m’fait kiffer paske t’as pas vraiment d’explication de Dieu mais ça marche, tu y crois, et la troisième... »
POOOOONNNNAAAANIIIIFERSSAAAAAAAAAAAIIIIIIRE !!!! Ils distribuent le gâteau, la foule s’éparpille petit à petit, chacun repart avec une ptite assiette, certains viennent nous servir. Merci de nous avoir servit, c’était super gentil. La foule est bruyante, la musique reprend de plus belle et un groupe de bobos pseudo-gitanisés vient se poser avec nous. « hey fais voir ta bague !
- c’est du cuivre regarde j’ai celle-là aussi.
- ah ouais pas mal. » Je la fous à mon doigt et me barre, putains de gamins qui veulent jouer aux gitans j’vais tous vous niquer, quand jte vole ta camlote tu fermes ta gueule putain dbouffon et après tu veux jouer au malin mdrrrrr >_<, tes mors
Mitra est assise devant un brasero (ok y a 3 paragraphes elle était partie mais j’ai oublié l’ordre des événements) « hey see what I found ! Take it ! »
- Thanks, where does this come from, is it your ring ?
- Haha nono. What you doing here, you don’t go to speak with people ?
- Well, you know it’s always same things, people say : oh you don’t speak french ? You’re iranian ? What is it to be iranian ? You like France ?
- Yé I see, that reminds me a japanese friend of mine, she was... »
HUUUUUUUUH POYA POYA POY POYA POYA POY POYA POYA POOOOO BLELEEEEEEEEH:DDDDDDDD USH USH HOOOOOOOOOO HAHAHAHAHA
Le taz a dû monter ça fait 1h que je saute partout !! ENTCHULEEEEEH CYKA BLYAT Y a collek qui kiffe à CÔTER j’vais le voir souvent owwaaaahaha « TU KIFFES ? HAHAHAHA » Il sourie douloureusement parce qu’il kiffe ou qqch du genre. BLAYEEEEEETTTHHH POUM POUM POUM jtourne autour gens en faisant grimaces ça fait rigoler sauf lui et lui mdrrrr tant pis bleh bleh PLEH PLEH PLEEEH OAAAALA comment elle se FROTTE elle elle elle a jdiraaaaaais 35 ans, trop bourrée elle est vla chaaaaaaaaaaaauuude mdrrrrr HAHA PLEH PLEH TOUCHE TOUCHE azi non trop vieille hihihi BLYET CYKA BLYUUUUUUT AZY LUI IL EST MARRANT jvais jouer avec lui hahaa oéééééééééééééé fuuuuufuuuuu olala c fatiguant mdrrrrr la chatte LA CHATTE LA CHATTE PTAIN C KOI CETTE ZIK azi jvais boire un truc
Plus de clairette, plus grand monde, plus que des braises dans les braseros. L’obscurité s’épaissit autour des quelques survivants. Plus envie de boire. Au chaud dans manteau emmaüs rembourré, peut-être que je devrais le garder pour irl, on m’a dit il m’allait bien. Un type sur un ballot de paille. Au même endroit il y a 6 heures nous parlions logement et mondanités. L’ancienne directrice du labo était là je crois. Il fume des cigarettes. « T’as pas une clope ? » Nous nous présentons, et puis nous commençons à raconter nos histoires, à tour de rôle. Il est cool. « Mek tu veux fumer une shamanerie ? » Collek arrive « Quelle shamanerie ?
- Une shamanerie. T’as une pipe ?
- J’ai un chillum dans ma caisse, j’vais le chercher s’tu veux, tu veux ? »
Le mec sympa bourre le chillum, jraconte des histoires, collek comate doucement dans la pénombre. Il est rond. Il est extrêmement gentil. Non. Il est bon. Il ne peut pas faire de mal aux autres. Pas par faiblesse, par timidité. Il a mon amitié. L’autre mec me rend un sachet vide. Putain il m’a niqué 40 balles ce fdp a dû tout foutre par terre j’ai pas fait gaffe putain bon ça sert à rien de gueuler. « Tiens il en reste tu finis ? »
Respiration ralentie, il faut prendre son temps. Les poumons se gonflent, la fraise devient incandescente, s’évanouit du monde pour envahir mon corps et mon esprit. Le temps ralentit. Le noir plus fort que la lumière. Faiblesse me prend, regret, puis tout stoppe.
……………………….fffffff……………………….
Le temps repart. Lent. Être, recommence à couler dans mes veines. Chaud. Un peu plus chaud. Quelques mots ensuite. Le bruit de la sono n’a plus de poids. La nuit réemplit le néant, son froid, presque soudainement. L’heure de son cœur sombre palpite, immobile. Plus personne. Je marche, je me suis levé. Récupère un tabac abandonné. Un brasero est encore chaud, les braises sous la cendre, le fer sous les braises, un espace entre le fond du feu et le sol, et mes pieds qui s’y glissent. Je fume du tabac, lentement. Une masse traîne, s’approche dans l’ombre. La femme de tout à l’heure, totalement saoule. Elle gargouille un truc, s’approche et s’allonge. Elle a froid aussi, se blottie contre moi. Deux, seuls.
Mon esprit est en cendre. Mon âme est en cendre,
Sous la cendre, à peine un peu de chaleur.
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