><<>Entré perdu dans ce trip, rattrapé par un son au retour des affaires importantes que j'ai dû chercher avant de partir.><>
Des yeux dans des triangles roses de chair sur des bouches aux sourires pleins de dents au-dessus d’yeux sur des langues qui défilent. Je les ai rencontrés dans un bois tissé de hamacs, mes amis. À la lueur orangée, verte plus loin, bleue ou violette dans le fond. Derrière le son, entre deux scènes.
--- imaginez une borne pour couper le texte ici ---
Leur joie a rayonné et, à cette lumière, les ombres qui m'étouffaient se sont évanouies. Épuisé, je me suis assis à leurs pieds, au pied d'un arbre. Dans un éclat de rire, comme un bateau qui chavire. En grinçant la mécanique de mes os fatigués, de ma peau de tôle ondulée et de ce varech épuisant enraciné aux cales de mes yeux.
Thibault sous taz, incroyable spectacle. L'Homme, gonflé de force et de malicieuse bonté, garde une fille dissimulée, que l'on dit assoupie. Elle a disparu dans le hamac et sous l'amoncellement des vêtements qu'il a récolté, comme un oiseau entasse le bois du nid nuptial. La pile s'élève d'un mètre au-dessus du hamac. Et celui-ci, creusé d'à peine 30 cm, paraît vide en comparaison. Est-elle seulement encore dedans ????
Impossible d'y songer plus longtemps qu’un rire, qui s’écoule en cascade. Déjà le spectacle continue !
"YOU ARE BEAUTIFUL !!"
"... yeah? Yeah Hahaha !?"
"YES YOU ARE BEAUTIFUL ! <3 <3"
"No, YOU are beautiful !"
"<3 <3 <3 YEAH WE ARE BEAUTIFUL, YOU ARE BEAUTIFUL <3 <3 <3 <3 <3"
Thibault béni chaque passant, chaque couple, groupe, individu louche à la démarche souple, et ceux-ci lui répondent, de l'amour à l'amour !
"YOU ARE BEAUTIFUL"
Et tout le monde de rire et de s'aimer !
"YES YOU, YOU ARE BEAUTIFUL"
Et encore et encore, les gens s'arrêtent prendre l'amour, rendre l'amour.
...on lui demande un joint, il offre une tête, et s'ensuit les négociations
avec le mec de la meuf à qui il propose qui a cru qu'il la draguait alors
que non il veut juste offrir mais le mec a pas compris ou il était pas là
c’est la meuf qui a cru on sait pas pourquoi enfin si l’exta ça rend comme
ça mais là c’est pas le cas donc finalement on rigole…
Le chaos joyeux du milieu de perche, quiproquos scabreux résolus par le rire. Puis une remarque, discrète “mais quel bolosse il essaye de pécho machine dans le hamac”. Je sais que c’est faux, aussi bizarre que ça paraisse. Elle, assise en face, se moque de lui.
Trait paralysant, fondu dans la chaleur d'une fête à son plein.
Son mec se tourne vers moi. Dans le répertoire de mon téléphone, je l'ai nommé "Devant le Nonseeuvrn", -Devant le Son- en français bourré. Parce qu'avant même de connaître son nom, je le connaissais devant le son, où nous nous sommes reconnus à force de danser ensemble. Il me parle et alors même…
"Putain mec ton visage…"
…son visage pulse de fluorescences…
"...les couleurs…"
...et prend l’apparence incertaine…
“... ça te fait une tête…”
…d’un Ent, vieil arbre sage de la forêt !!
“...DE PIRATE HAHA!!”
Le show continue et le clown bienveillant circule les passants sous ses moulinets joyeux. Invitations pressantes à l’entrée du bois métissé, où serpente le chemin que nos corps gondolés encombrent. Encore elle, qui s’approche et me regarde par en-dessous: “YOU are beautiful”.
Malaisant, son homme au visage invisible. “Tiens, je te donne l’assiette du beau gosse.” Elle me tend une vieille barquette en carton, sa poubelle. Le sens s'emmêle : drague éhontée, ou me prend-elle pour un vide ordure ? “Il faut que je te parle, j’ai quelque chose important à te dire…” Depuis quelques mois je sais/sens comme des avances obscures, Devant le Son.
Son désir indécent gonfle mon égo blessé,
Fait gicler un sang noir hors de sa flétrissure.
Ou se gonfle-t-il seul, cet égo mal baisé,
Sordidement allergique, générant sa brûlure ?
Je ne peux pas rester. L’ombre a remonté le flot poisseux, dilué son encre en courbatures. Le son va me purger. “Bon. Il faut que j’y aille.” Et me glisse dans l’obscurité teinte, dans le chemin de bois qui rampe jusqu'à la broyeuse du main stage. Des triangles autour d’yeux, sur des arbres qui tirent la langue et sucent des bouches baveuses.
Le Son
Sa torsion
Son acier
L’acide
Ses tension
Saccadées
Lascives
Synergies
Sataniques
Cinq heures
À danser
Sans dessin
La façade de vingt mètres, un bouddhiste autrichien, un clubber israélien, des zombies colorés. Des bouches dans des visages dans des bouches sur des langues des yeux comme des bouches des dents avec des yeux comme des visages sur des bouches.
Il fait froid, j’ai rampé dans une obscurité plus douce, froide. Des loques discutent. Puis derrière une voix claire : “I have a special power, probably you will think I’m crazy but I have this power, that, when I hug people, I can transmit a special energy, something very powerful and sweet, that makes you feel alright. So, I was thinking that -maybe-, I mean, only if you want, maybe we could hug like -this-, and I would give you this energy…” The fuck is he bullshitting behind me. Woooh… She’s sexy, tresses collées et collants treillis, I see where this is going hehe. Elle aussi: “I mean, yeah, sometimes you know it depends on people, and this time it’s like, yeah… No”
Mais il parle et palabre et discute sur son fil de conversation “close your eyes, I want you to feel very relaxed”, subrepticement j’écoute “feel the energy inside your hands” comme une chaleur “you can raise your hands and feel the energy flow from your shoulders to the” bout des doigts…”yessss” …mmmh… les courbatures flottent, se délitent, sans s’estomper ”That’s right, breath slowly and feel the air flowing through your body…” les élancements s’assouplissent, sans se dissoudre.
“I’m a psychologist” haha qu’est-ce qu’il va raconter “oh my friend is doing a bachelor of sociology” -”that’s a very interesting field” il perd l’ascendant sur la conversation, moi aussi je suis psychologiste, bientôt docteur même, qu’est-ce qu’ils racontent sur le cerveau ces bouffons. C’est quoi ces manières de sortir son titre comme on sort sa bite ? Il fait trop froid, le son est chaud. Il faut partir.
Je me lève vers eux: “Hey… I wanna see the Talker.”
“You were listening?”
“Yeah…” tête d’anglais, la quarantaine… “Enjoy your festival.”
Leurs dents flottent dans le noir en petits croissants charmés, macabres, amusés, osseux. Les rires bubullent, puis les bouches des yeux noirs de dents sur des arbres des grosses lèvres pulpeuses recouvertes d’yeux en ribambelle de bouches sur des dents avec des yeux.
Rythme
Démonté
Au marteau
Tambours
De machine
Éclatés
Taloche
De métal
Détrempé
Béton
Terre battue
TNT
Il faisait jour quand j’ai délié mes cheveux trempés de sueur. Mon visage dansant la haine, le vice et la folie sous leur rideau. Dans le vide des regards et la lourdeur des gestes, la vérité des basses. Les bras ouverts vers la façade, comme pour la prendre et la fracasser sur le sol, comme pour se faire broyer par elle. Des sauts animales. Aucun macaque assez puissant, aucun gorille assez rapide pour tordre le python de fer invisible. Dans l’air qui vibre, le corps se tord de toute sa force en arabesques hardcores, imprévisibles et soudaines. L’épuisement porté en apesanteur par les infras, les hautes fréquences striant la somnolence de traits acides. On ne dort qu’en s’évanouissant dans ce chaos électrique.
Les lasers ont recouvert l’aube. Lentement, le soleil éclaircit les arbres au sommet de la colline. J’ai marché hors de la foule. Insensible au son. Survivant dompté. Les bouches sur les visages s’évanouissent, mais les dents ont toujours des yeux entourés de triangles. L’île se termine en séparant une rivière, elle coule doucement au fond de la vallée. Ouverte, haute et ample, dans le froid bleuté du matin que le soleil survole sans pénétrer.
Je jouis en me massant les pieds.
Étire mes membres fatigués.
Décrasse mes narines de poussière.
Racle les glaires de ma gorge.
“Ah t’es là toi, tu fais quoi ?”
“Je regarde les petits canards.”
“Moh les petits canaaaards ! :3”
Everest et une femme que je connais parce qu’elle est belle vont s’asseoir sur la berge, un peu plus loin.
À un angle de ma vue que ma conscience efface.
Devant, il n’y a que la vallée, l’eau qui coule, l’air froid. Et des petits canards.
Je n’ai plus envie de faire la fête.
Je m’en fous de voyager.
Je n’ai peur de rien ni de personne.
Nirvana.
R